Sainte-Lucie de Syracuse, ses représentations dans l’art

Sainte Lucie, Chronique de Nuremberg

 

Sainte-Lucie de Syracuse, vierge et martyre, est une sainte chrétienne, morte en 303 (ou en 304 ou même en 310) lors des persécutions de Dioclétien. Elle est fêtée le 13 décembre.

I. Sa vie légendaire

Lucie est née à Syracuse dans une riche famille noble. Elle y vivait avec sa mère Eutychie et vénérait depuis son enfance le Christ et la vierge martyre sicilienne Sainte-Agathe.

1. La guérison miraculeuse de sa mère par Sainte-Agathe

Sa mère souffrait d’une « inflammation des entrailles » et de pertes de sang depuis quatre ans.

C’est pourquoi Lucie décida un jour de la conduire devant le tombeau d’Agathe à Catane et de lui demander la guérison.

Après une nuit de prières, Sainte-Agathe apparut à Lucie et lui déclara : « Vierge Lucie, ma sœur, pourquoi viens-tu me demander ce que tu pourras bientôt accorder toi-même à ta mère ? Comme j’ai été établie gardienne de la ville de Catane, tu seras établie gardienne de la ville de Syracuse. ».

Le lendemain, Eutychie recouvra la santé.

Eutychie et Lucie sur la tombe de Sainte Agathe, Jacobello del Fiore
Eutychie et Lucie sur la tombe de Sainte-Agathe, Jacobello del Fiore (vers 1370- vers 1439)

2. Lucie et sa mère distribuent leurs richesses aux pauvres

À la suite de cette guérison, Lucie demanda à sa mère la permission de distribuer aux pauvres tout ce qui lui revenait de l’héritage de son père, ce qu’Eutychie accorda. Toutes deux se mirent alors à donner chaque jour aux pauvres tout ce qu’elles possédaient.

3. Lucie a fait le vœu secret de rester vierge

De plus, Lucie annonça à sa mère qu’elle avait depuis l’enfance fait secrètement le vœu d’une virginité perpétuelle.

4. Dénonciation de Lucie

Mais avant d’avoir appris le vœu de chasteté de sa fille, Eutychie avait promis Lucie à un jeune homme.

Celui-ci entra dans une violente colère quand il apprit que sa fiancée voulait rester vierge et qu’elle donnait toute la fortune qu’il avait convoitée pour la distribuer aux malheureux.

Il alla donc dénoncer sa fiancée au consul Pascasius, comme ennemie des divinités de l’Empire.

La persécution de Dioclétien faisait alors rage et le juge accueillit avec joie cette dénonciation.

5. Le jugement de Lucie

Lucie fut ainsi sommée de renoncer à sa foi chrétienne.

Devant le refus de la jeune vierge, le consul menace de la faire conduire dans un lieu de débauche, afin que sa virginité soit perdue.

Lucie lui répond : «  si vous me faites violer, ma chasteté n’en sera que doublement récompensée dans le ciel ».

Le retable de Sainte Lucie, Lorenzo Lotto, Jesi, Italie
Le retable de Sainte-Lucie, Lorenzo Lotto, 1532, 335 x 188 cm, à Jesi, Italie

Il centre la représentation sur « Sainte-Lucie devant ses juges » juste après sa condamnation et l’incapacité des bourreaux à la faire bouger.

Cette scène s’inscrit chronologiquement entre le panneau de gauche de la prédelle et le suivant comportant le cortège de 1 000 paires de bœufs.

6. Lucie est intransportable

Irrité de ce courage, Pascasius ordonne de traîner Lucie dans le lupanar afin de la faire violer par des débauchés.

Mais le Saint-Esprit intervient et rend le corps de Lucie parfaitement immobile et intransportable. Même un attelage de mille hommes et mille paires de bœufs ne peut la déplacer.

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La prédelle du retable de Sainte-Lucie, Lorenzo Lotto, 1532, 335 x 188 cm, à Jesi, Italie

La prédelle comprend plusieurs épisodes de la « Vie de Sainte-Lucie », encadrant chronologiquement (alternativement avant et après) la scène du panneau principal.

Panneau de gauche : Lucie (représentée quatre fois) priant devant le tombeau de sainte Agathe, affichant sa piété en requérant pour sa mère malade.

Panneau central, deux scènes :

Lucie devant Paschasius lui demandant de renoncer à sa foi,

Sainte Lucie résistant aux bœufs : Lucie condamnée devant son fiancé, mais immobilisée par la grâce divine, malgré le cortège de bœufs essayant de la faire bouger.

Panneau de droite : continuation du cortège de bœufs et d’hommes dans un panorama de la ville.

Sainte Lucie conduite au martyre de Luca Giordano
Sainte Lucie conduite au martyre de Luca Giordano (1634-1705)

 

7. Le martyre de Lucie

Pris de fureur, Pascasius fait alors verser sur elle de la poix, de la résine et de l’huile bouillantes, puis la fait entourer d’un bûcher auquel on met le feu. Mais les flammes ne lui font rien et elle continue à chanter dans le feu les louanges du Christ.

Ensuite, on lui enfonce une épée dans la gorge, mais elle ne meurt pas tout de suite.

Le martyre de sainte Lucie
Le martyre de Sainte-Lucie, auteur inconnu. Un bourreau lui transperce la gorge avec une épée

 

Le Martyre de Sainte Lucie, Rubens, église Saint Charles Borromée d'Anvers, Musée des Beaux-Arts de Quimper
Le Martyre de Sainte-Lucie, 1620, Pierre-Paul Rubens (1577-1640), esquisse d’un tableau pour l’église Saint Charles Borromée d’Anvers, Musée des Beaux-Arts de Quimper, France

 

8. La communion de Sainte-Lucie

Un prêtre vient lui porter la communion, après quoi seulement, elle rend l’âme.

Martyre et communion de Sainte Lucie, Véronèse, National Gallery of Art de Washington
Martyre et communion de Sainte Lucie, 137 x 173 cm, Véronèse, 1585-1586, National Gallery of Art de Washington

Véronèse, insiste sur la communion, dans le contexte de la Réforme catholique.

La dernière communion de Sainte Lucie,Tiepolo, église Santi Apostoli di Cristo, Venise
La dernière communion de Sainte-Lucie, Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770), huile sur toile (222 x 101 cm), entre 1748-1748, église Santi Apostoli di Cristo, Venise, Italie
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9. L’enterrement de Sainte-Lucie

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L’enterrement de Sainte-Lucie, vers 1608, le Caravage (1571-1610), huile sur toile (408-300 cm), Santa Lucia al Selpocro, Syracuse, Italie

 

II. Les yeux de Lucie et ses pouvoirs

D’autres sources précisent qu’on lui aurait arraché les yeux, ou encore que, pour toute réponse à son fiancé qui menaçait de la dénoncer, elle se les soit arrachés elle-même et les lui ait envoyés dans une boîte. À la suite de quoi, la Vierge serait venue lui en apporter de plus beaux encore.

C’est la raison pour laquelle elle est fréquemment invoquée pour guérir les maladies oculaires et représentée par les peintres portant ses yeux sur un plateau ou dans une coupe.

D’autres ont cependant recours à elle contre les maux de gorge à cause de l’épée qui lui a transpercé la gorge.

1. Ses yeux portés sur un plateau

Ce motif n’apparaît pas avant le XIVe siècle, période à laquelle les malvoyants l’invoquent pour retrouver la vue.

Sainte Lucie, Francesco del Cossa
Sainte-Lucie, Francesco del Cossa (vers 1430-vers 1477)

 

Sainte Lucie, Beccafumi, Pinacoteca Nazionale, Sienne
Sainte-Lucie, Domenico Beccafumi, 1521, Pinacoteca Nazionale, Sienne, Italie

 

Sainte Lucie, détail de Assunzione della Vergine et santi, Gandolfino da Roreto, Turin
Sainte-Lucie, détail de Assunzione della Vergine et santi, Gandolfino da Roreto, Turin, Italie

 

Sainte Lucie, Francisco de Zurbarán
Sainte-Lucie, Francisco de Zurbarán (1598-1664)

2. Parfois Sainte-Lucie est représentée avec le poignard qui lui transperça la gorge

Sainte Lucie, partie gauche d’un retable siennois du milieu du XIVe siècle
Sainte-Lucie, partie gauche d’un retable siennois du milieu du XIVe siècle

Elle tient le poignard avec lequel elle a finalement été exécutée et la lampe, son attribut.

Sainte Lucie, Chroniques de Nuremberg
Sainte-Lucie, Chroniques de Nuremberg

 

III. Les reliques de Sainte-Lucie

Les reliques de sainte Lucie, après avoir été transportées à Constantinople par les Byzantins, sont depuis la chute de la ville, à Venise, dans l’église San Geremia.

Reliques de sainte Lucie dans l’église San Geremina, Venise
Reliques de Sainte-Lucie dans l’église San Geremina, Venise, Italie

 

Le reliquaire d’argent de Sainte Lucie dans l’église San Geremia, Venise
Le reliquaire d’argent de Sainte-Lucie dans l’église San Geremia, Venise, Italie

 

Quelques fragments ont été rapportés à Syracuse.

IV. Le culte et le patronage de Sainte-Lucie

1. Son culte

Le lieu de culte principal est Syracuse, mais aussi Venise, Pérouse, Mtarfa.

Son culte s’est également développé à Metz après qu’une partie de ses reliques fut rapportée en l’église Saint-Vincent.

2. Son patronage

Sainte-Lucie de Syracuse est invoquée contre les maladies des yeux, les maux de gorge et les hémorragies.

Elle est ainsi la patronne des aveugles, des électriciens et des ophtalmologues.

Elle est de plus la patronne de Pérouse, Mtarfa et Syracuse.

V. Autres rôles de Sainte-Lucie

1. Un dicton :  » À la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d’une puce « 

Le nom de Lucie ou Luce est un dérivé du latin lux, lumière.

Jacques de Voragine situe sa fête, dans La Légende dorée, juste avant celle de saint Thomas, soit à peu de chose près lors du solstice d’hiver.

D’où le dicton disant qu’« à la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d’une puce ».

D’où aussi les nombreuses fêtes de la lumière auxquelles elle est associée en Europe du Nord, notamment en Scandinavie et particulièrement en Suède.

L’explication du dicton est assez simple, bien qu’il paraisse faux à première vue.

La raison en vient du passage du calendrier julien au grégorien qui eut lieu en France le 9 décembre 1582. Le 13 décembre dans le calendrier julien correspond à notre époque au 26 décembre, date à laquelle la durée du jour commence à augmenter effectivement.

2. Le coquillage Turbo Rugueux

L’opercule du coquillage nommé le Turbo Rugueux ou Astrée Rugueuse que l’on trouve sur les rivages méditerranéens symbolise les yeux de sainte Lucie.

En porter un, éloigne, dit-on, le mauvais œil et favorise la chance.

En Corse également, l’œil de sainte Lucie est considéré comme un porte-bonheur.

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L’œil de Sainte-Lucie, Photo Cypris
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Yeux de Sainte Lucie, vieux port, Marseille, photo Jeanne Menjoulet

 

3. Sainte Lucie et la Cuccia

La Cuccia est une spécialité culinaire traditionnelle sicilienne composée de bouillie de blé contenant des baies.

Le terme Cuccìa vient du sicilien cucciu (grain).

La Cuccìa est préparé différemment d’une famille à l’autre et selon les régions. C’est une soupe, un pudding, le plus souvent avec du sucre, du beurre et du lait, parfois des haricots, des pois chiches ou même des amandes et de la ricotta.

Ce plat est préparé et consommé le jour de la fête de la Sainte-Lucie le 13 décembre en Sicile et entre Siciliens de la diaspora pour commémorer le secours de sainte Lucie lors d’une famine en Sicile : l’apparition de blé sur l’île, ressource importante pour la Sicile au travers des âges, lui est attribuée. Selon la coutume, le pain ne doit pas être consommé le jour du 13 décembre, la tradition voulant que la Cuccìa soit la seule source de blé et la principale source de nourriture de toute cette journée.

« La légende prétend qu’en 1646, alors que la Sicile connaissait une grave famine et qu’elle était sous domination espagnole, le jour de la Sainte-Lucie, un bateau chargé de froment est venu s’échouer sur les côtes. La population ayant attribué cet évènement à un miracle dû à la sainte du jour. Les siciliens très pieux ont décidé depuis, en mémoire de ce miracle, de manger du blé chaque année à la Sainte-Lucie. La Cuccìa est donc un plat basique avec le peu d’ingrédients que les gens possédaient : un peu de lait et de sucre. »

Ceux qui ont fait un vœu à sainte Lucie pour la protection de leur vue (patronne de la lumière et de ce fait des yeux et de la vue) ne mangent le 13 décembre « que » du blé ou du riz.

Pour finir

Vous en savez plus sur Sainte-Lucie, sa vie légendaire et les principaux épisodes de son martyre, ses différentes représentations dans l’art et des anecdotes qui lui sont liés.

Pour lire un autre article la concernant, en cliquant ici.

Dans deux tableaux de Vierge parmi les vierges, vous pourrez la rencontrer. Cliquez ici et ici.

Enfin, pour en savoir plus sur Sainte-Agathe à laquelle elle vouait un culte particulier, cliquez ici.